Avant-Propos :

Il est à noter que le contexte américain n’est pas le même que celui de la France, ni même de l’Europe. En Europe, la TPD (Tobacco Product Directive) restreint la nicotine dans les e-liquides à 20 mg/mL, ce qui n’est pas le cas aux USA où on peut trouver des e-liquides à plus de 50 mg/mL, des taux qui seraient susceptibles d’augmenter fortement la dépendance. De plus, les campagnes de publicité des fabricants d’e-liquides, légales aux USA, ciblent directement les jeunes. JUUL est un exemple de choix. En axant sa publicité vers les adolescents, les ventes de ses e-cigarettes auprès des mineurs ont explosés, déclenchant la polémique actuelle aux USA.

La réglementation des arômes

Depuis quelques mois, la FDA (Food and Durg Administration) qui contrôle aux USA la mise sur le marché des produits du vapotage, menace de réduire la commercialisation des e-liquides aromatisés. Depuis cet été, à San Francisco, les boutiques ne peuvent vendre que des e-liquides saveur tabac et c’est à présent l’état de New York qui parle de boycottage. Ces interdictions se baseraient sur des observations à propos d’une augmentation alarmante de jeunes s’essayant aux cigarettes électroniques aux USA.

Même s’il est avéré que les produits du vapotage sont bien moins dangereux et nocifs que les cigarettes de tabac, la nicotine éventuellement présente dans les dispositifs électroniques reste une substance potentiellement addictive. De plus, des recherches concluent que des jeunes se mettant à la vape ont 3 à 4 fois plus de risques de passer ensuite à la cigarette de tabac : la fameuse théorie de la passerelle. Toutefois, cette étude1  menée par le Center for Tobacco Control Research and Education de l’Université de Californie a été dirigée par le Pr Stanton Glantz, un détracteur inconditionnel de la cigarette électronique.

A l’heure actuelle les données concernant l’effet passerelle de la cigarette électronique restent floues. D’après une étude indépendante de 2017, il n’existe aucune preuve que les e-cigarettes puissent pousser un adolescent à consommer du tabac2. A l’inverse de nombreuses publications montrent un lien entre la diminution du tabagisme chez les jeunes et l’apparition de la cigarette électronique2,3.

D’après ces chercheurs, le vapotage pourrait avoir à l’inverse un rôle de diversion du tabac.

Le sucre : la saveur à la mode

Des publications récentes montrent que les vapoteurs réguliers ont une nette préférence pour les arômes sucrés4,5. Une étude du Dr K. Farsalinos et al, réalisée sous la forme d’une enquête en ligne (auprès de plus de 4000 utilisateurs) a fait ressortir que la diversité des arômes constituait un facteur important dans l’efficacité du sevrage tabagique6. En 2018, Russell et al confirment ces résultats avec une étude menée sur 20 836 utilisateurs de cigarettes électroniques aux USA. Ils concluent que restreindre la disponibilité des arômes sans tabac pourrait réduire l’intérêt des fumeurs à passer à l’e-cigarette ou encourager leur retour à la cigarette de tabac7.

L’étude des arômes : un travail colossal

Les arômes sont aujourd’hui très étudiés pour leur capacité à induire une toxicité par inhalation8,9.

En effet, les arômes utilisés dans les e-liquides sont le plus souvent développés en vue d’être ingérés mais pas inhalés. Le métabolisme induit est alors différent et certaines molécules qu’ils contiennent peuvent s’avérer toxiques pour les voies respiratoires10. De plus, lors de la chauffe de la e-cigarette, la nature des arômes est susceptible d’être modifiée ce qui peut engendrer la libération de produits de dégradation potentiellement toxiques.

Il faut aussi tenir compte des risques de synergie et d’interaction entre molécules aromatiques, qui, seules, peuvent s’avérer inoffensives mais toxiques mélangées….

Les arômes doivent être analysés et la présence de molécules reconnues pour entraîner des troubles respiratoires limitée. Cependant, ceci est un travail titanesque, et peu de fabricants ont la capacité de mener de telles recherches, chronophages et terriblement coûteuses.

Vers une réglementation ?

Aux USA à l’heure actuelle, aucune loi ne régit la composition des e-liquides, et les fabricants sont seuls responsables du type d’arôme et de la quantité présente dans les e-liquides.

En France et en Europe, quelques normes, d’application volontaire, proposent une liste de molécules à limiter ou bannir (diacétyle, sucres, édulcorants…) mais seuls quelques fabricants les respectent. La British Standards Institution (BSI) et l’Association française de normalisation (AFNOR) ont publié respectivement les PAS 54115:2015 et XP D90–300–2. Ces deux normes volontaires décrivent, entre autres, les conditions de fabrication, la contrôle de la qualité des matières premières utilisées ainsi que la traçabilité lors de la fabrication.

A noter qu’une norme européenne (d’application obligatoire) est actuellement en cours d’écriture au CEN (Comité Européen de Normalisation), pour poursuivre les travaux commencés avec la norme française.

La réglementation ne doit pas nuire au sevrage tabagique

Le réel débat ici concerne la balance entre le risque potentiel couru par le consommateur lors de l’inhalation d’arômes et le risque réel représenté par la cigarette de tabac. Ce qui est une certitude c’est qu’un nombre non négligeable de vapoteurs risquent de retourner à la cigarette de tabac s’ils ne trouvent plus leur plaisir dans la vape.

Aussi, différentes mesures peuvent être prises pour contrôler la composition des e-liquides, tout en leur laissant une grande diversité :

  • Améliorer le contrôle de l’interdiction des ventes aux mineurs,
  • Mener des études approfondies sur les arômes,
  • Imposer une charte qualité lors de la fabrication des e-liquides,
  • Bannir ou limiter certaines molécules connues pour leurs effets irritants ou toxiques…

La cigarette électronique est un outil de sevrage tabagique performant car lié au plaisir gustatif des arômes et de leur large choix, pouvant ainsi satisfaire une grande majorité de consommateurs. L’interdiction de mettre des arômes dans les e-liquides fermerait la porte à de nombreux fumeurs, prisonniers du tabac.

Dans ce contexte, des experts mondiaux ont écrit une lettre à la FDA afin que ses directives n’aient pas « d’effets néfastes possibles sur la santé publique qui pourraient découler d’une intervention disproportionnée »11.

Références

  1. Watkins, S. L., Glantz, S. A. & Chaffee, B. W. Association of Noncigarette Tobacco Product Use With Future Cigarette Smoking Among Youth in the Population Assessment of Tobacco and Health (PATH) Study, 2013-2015. JAMA Pediatr. 172, 181 (2018).
  2. O’leary, R., Macdonald, M., Stockwell, T. & Reist, D. Clearing the Air: A systematic review on the harms and benefits of e-cigarettes and vapour devices. (2017).
  3. Levy, D. T. et al. Examining the relationship of vaping to smoking initiation among US youth and young adults: a reality check. Tob Control 0, 1–7 (2018).
  4. Zare, S., Nemati, M. & Zheng, Y. A systematic review of consumer preference for e-cigarette attributes: Flavor, nicotine strength, and type. PLoS One 13, e0194145 (2018).
  5. Harrell, M. B. et al. Flavored e-cigarette use: Characterizing youth, young adult, and adult users. Prev. Med. Reports 5, 33–40 (2017).
  6. Farsalinos, K. et al. Impact of Flavour Variability on Electronic Cigarette Use Experience: An Internet Survey. Int. J. Environ. Res. Public Health 10, 7272–7282 (2013).
  7. Russell, C., Mckeganey, N., Dickson, T. & Nides, M. Changing patterns of first e-cigarette flavor used and current flavors used by 20,836 adult frequent e-cigarette users in the USA. doi:10.1186/s12954-018-0238-6
  8. Kaur, G., Muthumalage, T. & Rahman, I. Mechanisms of toxicity and biomarkers of flavoring and flavor enhancing chemicals in emerging tobacco and non-tobacco products. Toxicol. Lett. (2018). doi:https://doi.org/10.1016/j.toxlet.2018.02.025
  9. Zhao, J. et al. Assessing electronic cigarette emissions: linking physico-chemical properties to product brand, e- liquid flavoring additives, operational voltage and user puffing patterns Assessing electronic cigarette emissions: linking physico-chemical properties to product brand, e-liquid flavoring additives, operational voltage and user puffing patterns. Inhal. Toxicol. 30, 78–88 (2018).
  10. Bitzer, Z. T. et al. Effect of flavoring chemicals on free radical formation in electronic cigarette aerosols. Free Radic. Biol. Med. 120, 72–79 (2018).
  11. Miller, T. J. et al. Youth vaping and the dangers of over-reaction – a letter to the FDA. (2018). Available at: https://www.clivebates.com/youth-vaping-and-the-dangers-of-over-reaction-a-letter-to-the-fda/. (Accessed: 28th November 2018)