La mesure et le contrôle de la température est un élément important dans l’étude des produits du vapotage. En effet, la libération de composés potentiellement dangereux est étroitement liée à la température à laquelle va être vaporisé l’e-liquide. ingésciences présente ici une explication des phénomènes à prendre en compte pour l’étude de la température.
La gestion de la température est un sujet récurrent dans le monde de la vape, pourquoi la résistance chauffe?
Une résistance est un composant qui est capable de transformer une énergie électrique en une énergie thermique. Lorsque la batterie est mise sous tension, c’est-à-dire lorsque l’utilisateur appuie sur le « switch », un courant électrique est envoyé dans la résistance. Le courant électrique peut être assimilé à un déplacement d’électrons à l’intérieur d’un matériau. Lorsque les électrons[1] arrivent à la résistance, ils vont, par frottement avec les atomes[2] du matériau, transformer leur énergie électrique en énergie thermique : c’est ce qu’on appelle l’effet Joule (figure 1). Les frottements sont alors sources de chaleur et vont conduire à élever la température de la résistance. Comme elle ne peut pas emmagasiner toute l’énergie, elle la diffuse en chauffant les milieux environnants. Dans le cas de la cigarette électronique, elle chauffe à la fois la mèche, le liquide et l’air inspiré.
[1] Particule élémentaire d’un atome chargée négativement.
[2] Constituant fondamental de la matière. Définit la plus petite particule dans laquelle un élément peut être divisé sans perdre ses propriétés chimiques
Comment évolue la température dans la résistance d’une e-cig ?
Une courbe typique de montée en température de la résistance (figure 2) présente deux grandes caractéristiques :
- Aux temps courts, elle a une montée en température qui peut être assimilée à une droite. Ce phénomène, dépendant du temps, traduit un déséquilibre thermique entre l’énergie que donne la résistance et celle que les milieux extérieurs peuvent emmagasiner. Il vient du fait que les milieux extérieurs montent également en température et accumule l’énergie dissipée par la résistance.
- A partir d’un temps plus long (>2s), elle atteint un seuil limite à partir duquel la température de la résistance ne bougera plus (sous réserve de ne modifier aucun paramètre). Ce seuil traduit un équilibre thermique établi entre ce que la résistance reçoit et ce qu’elle donne aux milieux extérieurs.
Les températures atteintes sur la figure 2 sont en moyenne celles atteintes par la résistance, pour une puissance de 6W, dans le cas d’une alimentation en e-liquide continu. Pour comparer, la combustion du tabac dans une cigarette classique est aux alentours de 900°C !
Pourquoi y a-t-il des dry hits si la résistance atteint un équilibre thermique ?
Comme dit précédemment, l’équilibre thermique est atteint et ne bouge pas si aucun paramètre n’est modifié.
Lors de la présence d’e-liquide dans la mèche, l’équilibre thermique est caractérisé par l’énergie dissipée par la résistance servant à vaporiser le liquide contenu dans celle-ci. La mèche et le liquide vont monter en température jusqu’à atteindre celle nécessaire à la vaporisation du liquide. Une fois cette température atteinte, le liquide en contact avec la résistance se vaporise, entrainant ainsi un assèchement de la mèche, puis une remontée de liquide dans la mèche par capillarité etc… Les cycles se suivent de cette manière. Si l’apport en liquide est régulier et suffisant, l’équilibre thermique ne sera pas bouleversé, il n’y aura donc pas de dry hit. Cependant, si l’apport en liquide n’est pas suffisant, l’équilibre thermique va être rompu, et la température va continuer de monter jusqu’à trouver un autre équilibre, cette fois-ci avec l’air environnant. L’équilibre résistance/mèche+air étant bien plus haut que l’équilibre résistance/mèche+liquide, la mèche va chauffer « à sec » et des traces noires caractéristiques de dégradation vont apparaitre dessus. C’est ce qu’on appelle le dry hit. En poussant l’expérience plus loin, si on continue de chauffer malgré l’absence d’e-liquide, il est possible d’aller jusqu’à la combustion de la mèche et donc production de molécules toxiques en grande quantité.
Comment monte la température de ma e-cig ?
La montée en température de la résistance est un facteur important dans la cigarette électronique. En effet, la résistance a une inertie thermique [1]: à puissance donnée, en fonction du type de matériau ainsi que de la masse de matière qui la constitue, la résistance ne montera pas en température de la même manière. Plus une résistance est lourde, plus elle est lente à monter en température. De ce fait, le diamètre du fil, celui de roulement de la résistance, ainsi que le nombre de boucles augmentent la masse et donc réduisent la montée en température. De plus, les matériaux utilisés pour les résistances dans les e-cig possèdent une propriété thermique appelée chaleur massique [2i]. Elle a le même effet que la masse : plus elle est élevée plus elle freine la montée de la température. Elle caractérise l’énergie nécessaire à apporter à un système pour l’élever d’un degré Kelvin[3] par unité de masse. Par exemple, un fil résistif en Kanthal[4] a une capacité thermique massique de 560 J/(kg.K). Cela veut dire que pour élever d’un degré Kelvin un kilogramme de Kanthal, il faut apporter une énergie de 560 Joules. Pour information, la chaleur massique du Nichrome est de 450 J/(kg.K) ce qui veut dire qu’à masse égale, le nichrome monte plus rapidement en température.Nous pensons que la rapidité de la montée en température influe sur la dégradation du e-liquide. Une montée trop rapide pourrait entrainer la production d’espèces toxiques.
Les équipes d’ingésciences en collaboration avec des institutions et des professionnels de la filière a développé un robot vapoteur : U-SAV pour Universal System for Analysis of Vaping. Ce dispositif permet, par piégeage cryogénique, de récupérer la vapeur générée par une e-cigarette. L’analyse de cette vapeur permet de mieux appréhender et de comprendre les processus de dégradation et ainsi vérifier nos hypothèses.
[1] Caractérise la vitesse à laquelle atteint un matériau son équilibre thermique
[2] Caractérise la quantité d’énergie à fournir à un milieu pour élever d’un degré un kilogramme.
[3] Unité de mesure de la température donc le point 0 K correspond au zéro absolu (-273°C). Le degré Celsius est centré sur la température de changement d’état liquide solide de l’eau. Une élévation d’un degré Kelvin correspond à une élévation d’un degré Celsius.
[4] Caractérise une gamme de matériaux qui sont des alliages de Fer-Chrome-Aluminium.
A combien monte la température dans ma cigarette électronique ?
La température atteinte dépend de plusieurs paramètres : puissance, surface de la résistance en contact avec le liquide, type d’e-liquide, température extérieure de l’air, débit inspiré…. pour ne citer que les principaux. D’une manière assez évidente, plus la puissance augmente plus la température atteinte augmente. L’influence de la surface de la résistance est plus complexe. En effet, l’énergie dissipée passe par toute la surface de la résistance. Autrement dit, pour une puissance donnée, plus la surface va augmenter plus on va «étaler» l’énergie à dissiper et donc réduire la température atteinte par la résistance.
La température maximale atteinte lors de l’équilibre thermique sera donc plus basse si la surface d’échange est plus grande. Prenons un exemple concret : une résistance en Khantal de diamètre 0.32mm avec 6.5 spires, aura une température maximale plus faible qu’une résistance en Khantal de diamètre 0.32mm avec 2.5 spires. Chaque liquide possède sa propre température de vaporisation. En effet, la glycérine végétale se vaporise autour de 288°C tandis que le propylène-glycol se vaporise à 180°C. Cette grande différence implique qu’il faudra plus d’énergie pour vaporiser 1mL de glycérine que 1mL de propylène-glycol. Cette observation permet d’expliquer pourquoi la consommation et la température atteinte varient en fonction de la concentration en composant du e-liquide. Le débit d’air, qui est assimilé au débit d’inspiration du vapoteur, a également un comportement plus complexe sur la température.
Quelle conclusion tirer des différentes études réalisées ?
Le choix du matériau pour la résistance est très important. A masse égale, le nichrome s’élève plus rapidement en température que le Kanthal. Le Nikel a quasiment la même chaleur massique que le Nichrome. Cependant, la résistivité[1] du Nikel est extrêmement faible : 7 Ω/m contre 134 Ω/m pour le Kanthal. Cette propriété traduit comment un fil résistif s’oppose au courant par lequel il est traversé. Il nécessitera donc, pour construire deux résistances de même valeur, beaucoup plus de matière pour celle en Nikel que pour celle en Kanthal. La faibel résistivité du Nikel ebtraine une plus grande tolérance pour les fortes puissances, ce qui enegendre une plus grande consommation d’e-liquide. L’utilisation du Nikel est d’ailleurs majoritairement réservée à une vape en sub-ohm, dont le but est d’avoir des gros nuages de vapeur.
Deuxièmement, la géométrie de la résistance a aussi une grande importance. Comme expliqué précédemment, le nombre de spires, ainsi que le diamètre d’enroulement influencent la masse de la résistance et donc la montée en température… Utiliser de fortes puissances dans sa e-cigarette peut potentiellement augmenter la dégradation chimique des e-liquides et les dénaturer. De plus, la concentration en PG-VG influe aussi sur l’énergie nécessaire à la vaporisation. Un e-liquide à haut taux de VG, comme il a été expliqué, nécessitera plus d’énergie pour se vaporiser qu’un e-liquide un à haut taux de PG. Enfin, la manière de vaper : si le consommateur vape intensément ou faiblement, il n’inhalera pas la même quantité de vapeur.
[1] Caractérise la capacité d’un matériau à s’opposer au courant électrique qui le traverse.
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