La notion de vapotage passif est apparue en même temps que la démocratisation de l’usage des premiers vaporisateurs personnels. Celle-ci est aussi amalgamée au concept de tabagisme passif. Dans un rapport de 2001 destiné au directeur général français de la santé, le Pr Bertrand Dautzenberg pneumologue et Président de l’Office français de prévention du tabagisme apporte une définition et une description de ce dernier de ce terme[1] :

Le tabagisme passif est l’exposition à la fumée du tabac dans l’environnement. […] Cette exposition est responsable de troubles pour les personnes involontairement exposées à la fumée de tabac, et peut également induire la survenue ou aggraver certaines pathologies.

Professeur Bertrand Dautzenberg

Il explique qu’il y a deux sources possibles au tabagisme passif : la fumée de tabac inspirée et expirée par le fumeur et la fumée dégagée par la seule combustion de la cigarette.

Un vaporisateur personnel, quant à lui, va permettre de vaporiser un e-liquide uniquement lorsque l’utilisateur active son matériel. Par extrapolation, le vapotage passif ne peut avoir qu’une source : l’aérosol que le vapoteur inspire et expire. Par ailleurs et dans l’optique de comparer vapotage passif et tabagique passif, il convient d’observer ce phénomène sous différents aspects :

  • Pour que le vapotage passif soit avéré, il faut que l’aérosol généré par le vaporisateur personnel soit présent dans l’air ambiant suffisamment longtemps pour qu’une personne située à proximité d’un vapoteur puisse être réellement exposée.
  • Pour que le vapotage passif soit qualifié de risque pour la santé, il faut s’assurer que les molécules présentes dans l’aérosol et inhalée par le vapoteur soit également expirée par celui-ci. Autrement dit, il faut déterminer quelles molécules initialement présentes dans l’aérosol vont être assimilée par l’organisme du vapoteur et lesquelles seront expirées par celui-ci.
  • Pour que le vapotage passif représente un risque pour une personne à proximité d’un vapoteur, il faut mesurer les quantités de molécules expirées par celui-ci. C’est seulement ensuite qu’une méthode d’identification et d’évaluation des risques peut être appliquée.

Pour évaluer l’exposition la plus à risque, une équipe de chercheurs dirigée par le Dr Konstantinos Farsalinos a considéré dans une étude qu’un homme respire en moyenne 12 fois par minute soit une inhalation toutes les 5 secondes. Un vapoteur inhale en moyenne 600 bouffées en 8h d’activité professionnelle soit une bouffée toutes les 48 secondes. Dans un article publié en 2019, ces chercheurs se sont intéressés à la manière dont les aérosols de vaporisateur personnel se dispersent spatialement et temporellement dans une pièce[2]. Ils démontrent que ces aérosols restent présents dans l’air de la pièce pendant 10 à 15 secondes après avoir été expirés. L’écart entre les bouffées est supérieur à la persistance de l’aérosol dans l’air. Lors de la combustion d’une cigarette, l’aérosol reste dans la pièce entre 30 et 45 minutes en suspension après avoir été émis. L’exposition d’une personne présente à un mètre d’un vapoteur serait de 3 inhalations après qu’il ait vapoté tandis que l’exposition d’une personne présente à un mètre d’un fumeur serait de 360 inhalations après qu’il ait fumé.

De ce point de vue, l’exposition au tabagisme passif est au moins 120 fois plus importante que pour le vapotage passif. Les auteurs montrent également que la concentration en particules diminue fortement avec la distance par rapport au vapoteur. A une distance de 2 mètres aucune particule n’a été mesurée. En considérant donc cette distance, le vapotage passif serait quasiment inexistant.

Une telle différence pourrait provenir de la distribution et de la disparité des différentes tailles de particules entre la fumée et l’aérosol des vaporisateurs personnels. En effet, le Pr Bertrand Dautzenberg a montré en 2007 que le diamètre aérodynamique moyen des particules dans la fumée se situait autour de (0,27 ± 0,03) µm[3]. En 2013, il réalise le même type d’étude sur les premiers vaporisateurs disponibles à l’époque sur le marché[4] et montre alors que l’aérosol inhalé par le vapoteur possède un diamètre aérodynamique moyen de (0,625 ± 0,025) µm.

L’offre du matériel disponible ayant considérablement évolué depuis, une équipe menée par Jérémy Pourchez (Directeur de recherche à l’Ecole des Mines de Saint-Etienne) a montré dès 2017 que ce diamètre a augmenté pour se situer au-dessus de 0,8 µm. Ces mesures mettent également en évidence une autre tendance : le diamètre aérodynamique moyen augmente avec la puissance délivrée ainsi qu’avec la concentration en propylène glycol (PG)[5]. A forte puissance, il peut dépasser le micromètre. Autrement dit, les particules dans un aérosol de vaporisateur personnel présentent un diamètre aérodynamique entre 3 et 4 fois plus important que dans la fumée du tabac. Cela correspond à des particules entre 4,5 et 11 fois plus grosses en volume. Ce rapport de forme de particules conduit à avoir un aérosol exhalé par un vapoteur qui disparait en quelques secondes.

Par conséquent, le vapotage passif est un phénomène qui semble quasi inexistant. Il est en réalité associé à une gêne visuelle et/ou olfactive très temporaire liée à l’aérosol expiré qui peut envahir l’espace personnel des personnes à proximité d’un vapoteur.


[1] B.Dautzenberg and Ministère de l’emploi et de la solidarité. Rapport du groupe de travail relatif au tabagisme passif. Direction Générale de la Santé, 2001.

[2] D.Martuzevicius, T. Prasauskas, A. Setyan, G. O’Connell, X. Cahours, R. Julien, and S. Colard. Characterization of the spacial and temporal dispersion differences between exhaled e-cigarette mist and cigarette smoke. Nicotine and Tobacco Research, 21(10) : 1371-1377, 2019.

[3] M.H. Becquemin, J.F. Bertholon, M. Attoui, F. Roy, M. Roy, and B. Dautzenberg. Particle size in the smoke produced by six different types of cigarette tobacco. Revue des maladies respiratoires, 24(7) : 12-19, 2007.

[4] J.F. Bertholon, M.H. Becquemin, M. Roy, F. Roy, D. Ledur, I. Annesi Maesano, and B. Dautzenberg. Comparaison de l’aérosol de la cigarette électronique à celui des cigarettes ordinaires et de la chicha. Revue des maladies respiratoires, 30(9) : 752-757, 2013.

[5] J. Pourchez, S. Parisse, G. Sarry, S. Perinel-Ragey, J.-M. Vergnon, A. Clotagatide, and N. Prévôt. Impact of power level and refill liquid composition on the aerosol output and particle size distribution generated by a new-generation e-cigarette device. Aerosol Science and Technology, 0(0) : 1-11, 2017