Dans un article publié le 3 janvier dernier, Jérémy Sorin, ingénieur de recherche a répondu aux questions de Marie Ingouf, journaliste chez les Inrockuptibles, sur le CBD et ses effets. L’article complet est ici retranscrit dans son intégralité.
NB : Depuis cette interview, le pôle R&D du Laboratoire Français du E-liquide (LFEL) a été intégré à ingesciences.
E-CBD : y a-t-il vraiment du cannabis dans cette cigarette électronique ?
En vente dans les magasins spécialisés et disponible sur internet, l’e-liquide au CBD a mauvaise réputation. Que contient véritablement ce que l’on surnomme “joint électronique”?
Divers magasins spécialisés dans la vape proposent des flacons d’e-liquide au cannabis, répondant aux doux noms de “Mary-Jane CBD”, ou encore “Super Lemon Laze”. Pour un non-initié, difficile de faire la différence avec les liquides goût cannabis en vente depuis des années, reconnaissables à leurs illustrations en feuilles de ganja. Pourtant, entre eux, aucun lien. Aux liquides aromatisés au goût cannabis approximatif se substitue un tout autre produit, le CBD, ou cannabidiol, une molécule extraite de la plante elle-même.
Dans son article du 28 novembre dernier, Le Parisien enquêtait sur cette molécule présente dans le cannabis mélangée à des liquides aromatisés et mise en vente dans des magasins spécialisés en cigarette électronique. Titrant “Cannabis : l’inquiétant succès du ‘joint’ électronique”, le quotidien tirait l’alarme sur une substance prétendument dangereuse. Alors, effet buzz ou véritable danger ? Qu’en est-il de ce produit qui fait actuellement fureur en France ?
Une littérature scientifique abondante
Depuis son identification dans les années 40, sa caractérisation une vingtaine d’années plus tard jusqu’à son étude approfondie à la fin du siècle, la molécule est examinée de près. Les recherches menées contribuent à comprendre l’action des cannabinoïdes (les substances chimiques qui activent les récepteurs humains) dans l’organisme. Deux des plus célèbres de ces substances – sur la centaine identifiée – possédant des propriétés pharmacologiques sont le CBD et le THC, présents dans le chanvre cultivé Cannabis sativa. Toutes deux ont des structures chimiques proches. Néanmoins, elles diffèrent radicalement, notamment sur la question des effets secondaires.
Contactés par Les Inrocks, Jérémy Sorin, ingénieur de recherches au sein du LFEL (Laboratoire Français du E-Liquide) et Aurélie Lefevre, directrice de la communication, nous ont expliqué les propriétés de la substance. Et s’étonnent de son image dans la presse, qui relaierait l’idée selon laquelle le CBD ne serait pas étudié. “Je suis choqué de lire qu’on ne connaît rien de la molécule. Pour l’avoir étudiée, j’ai lu des centaines d’études sur ses effets”, déclare Jérémy Sorin.
Zéro défonce
Qu’on se le dise, à la différence du THC, le CBD n’entraîne pas d’effets psychotropes. L’utiliser à des fins “récréatives” – comme pour un joint – est impossible, de sorte qu’il est tout à fait illusoire d’imaginer pouvoir planer avec un “joint électronique”.
Il n’y aurait presque aucun effet secondaire, à l’exception d’une sensation de somnolence, après inhalation.Remède miracle ?
Dans le domaine médical, la molécule est utilisée dans une logique thérapeutique, s’agissant d’une pathologie diagnostiquée, pour soulager la douleur liée au traitement d’un cancer, ou d’une sclérose en plaques, notamment.
En vapologie, l’objectif n’est pas le même. “On utilise les propriétés de la molécule pour une action globale sur le bien-être de la personne, pour ses propriétés anxiolytiques« , déclare Jérémy Sorin. Le CBD procurerait une sensation de détente, d’apaisement. « Le CBD réduit l’état de stress. Cette idée est acquise depuis un an, et elle est tellement évidente qu’on ne pense même plus à le dire« , affirme le chercheur, qui ajoute : “Si l’on se dit ‘je me sens un peu stressé(e), j’aimerais quelque chose qui me détende le soir, chez moi, en rentrant du travail’, dans ce cas, son usage est approprié.”
Réduire les symptômes de manque
Jérémy Sorin mentionne également une sensation d’irritation, similaire à celle de la nicotine. Le CBD reproduirait partiellement le caractère irritant que l’on éprouve en fumant une cigarette. « Dans le cadre d’une utilisation en vapologie, c’est intéressant, car on touche à la dépendance psychologique de l’utilisateur. Il peut s’imaginer en train de fumer, alors qu’il vapote« , explique l’ingénieur.
En donnant à l’utilisateur l’impression de fumer, le CBD faciliterait le sevrage tabagique. L’étude de ses effets sur les comportements addictifs a ainsi fait apparaître que le CBD réduirait les symptômes de manque et son usage pourrait s’élargir non seulement au sevrage tabagique, à celui des drogues (cocaïne, cannabis…), mais aussi de l’alcool. “Ces effets sur les comportements addictifs sont encore méconnus, car les recherches à ce sujet sont récentes”, explique le chercheur.
Pour ses nombreux effets pharmacologiques – anxiolytiques, analgésiques, antipsychotiques – la molécule s’avérerait particulièrement intéressante.
Nécessité d’un encadrement clair
Un flou juridique réel entoure cependant la substance. La confusion entretenue entre joint et e-liquide prévaut toujours. Ainsi bien que, en novembre dernier, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) ait déclaré prohibés la vente et l’achat de CBD sous forme d’e-liquides dans les magasins, le 29 novembre, le ministère de la Santé a pourtant autorisé son usage commercial.
Pour Bertrand Dautzenberg, très médiatique pneumologue à la Salpêtrière, “la priorité est de définir des règles au nom de la santé publique”.
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