Etudier et comprendre le comportement des vapoteurs avec U-SAV Profile 

L’étude du phénomène de vaporisation est une équation à 3 inconnues incluant la composition chimique d’un e-liquide, l’action physique d’un matériel et un, voire, plusieurs comportements d’un utilisateur. Pour observer les paramètres physico-chimiques des produits du vapotage, l’équipe d’ingésciences a conçu en 2015, U-SAV, le premier robot vapoteur capable de générer et de reproduire les émissions de vapeur d’une cigarette électronique (EC) dans des conditions réelles d’utilisation.

Pour aller plus loin dans cette démarche et comprendre les habitudes des utilisateurs, notre laboratoire a développé U-SAV Profile, un module supplémentaire qui vient compléter les fonctionnalités du 1er robot en facilitant notamment l’enregistrement de données comparatives en temps réel. Combinés aux connaissances et à l’expertise de l’équipe R&D, ces deux outils nous permettent d’apporter des informations capitales pour mieux évaluer les performances d’une cigarette électronique et des e-liquides, les habitudes des vapoteurs mais également les enjeux de la filière.

Pourquoi « différencier les profils de vapotage » est essentiel ?

L’analyse des émissions est capitale pour la filière de la vape. La capacité de reproduire fidèlement les différents comportements des vapoteurs implique l’identification de nombreux facteurs clés pour permettre de générer des émissions de vapeur conformes à la réalité. Aussi, une uniformisation des paramètres de génération et des méthodes analytiques est nécessaire pour s’assurer de la fiabilité des résultats1,2. Les différents essais réalisés avec le robot U-SAV3,4 démontrent qu’un contrôle de chaque paramètre physique est indispensable pour générer des émissions parfaitement fiables. Or, cette maitrise doit porter tant sur les actions de l’usager que sur le matériel en lui-même (cigarette électronique (EC)/e-liquide).

Depuis plusieurs années, notre équipe est présente dans les différents comités de normalisation (national, européen, international) sur les « produits du vapotage ». Avec l’aide de U-SAV Profile, notre laboratoire a pu collecter de nombreuses informations utiles sur les usages des vapoteurs. Ces données comparatives seront transmises aux membres chargés d’écrire les futurs protocoles normatifs pour la génération des émissions et leurs analyses en vue de reproduire les nombreux profils de vape existants : du néo-vapoteur débutant à l’utilisateur confirmé.

L’enregistrement des profils de vape pour un portrait réaliste du vapoteur

En septembre 2015 lors du salon VAPEXPO Paris, nous avons présenté une version simplifiée du robot vapoteur U-SAV : U-SAV light. Ce dispositif avait alors permis d’enregistrer les profils de vape des visiteurs afin de collecter des données pour dresser un portrait type des usagers de la cigarette électronique.

Si elle contenait de nombreuses informations, cette première enquête comportait également certaines limites. En effet, U-SAV light n’était pas compatible avec l’ensemble des clearomiseurs présents sur le marché et ne mesurait pas les débits d’inhalation supérieurs à 8L/min. Ces contraintes empêchaient l’enregistrement complet de tous les types de profil.

Nos ingénieurs ont donc perfectionné ce système pour le rendre plus précis et plus simple d’utilisation. Cette nouvelle version baptisée U-SAV Profile, a été testée en 2017 lors de différents événements : pendant les salons VAPEXPO de Lyon (mars 2017), Paris (septembre 2017) et à l’occasion d’une journée spéciale dans la boutique Ivapote située à Bordeaux (38 rue du loup). Cette dernière opération fut particulièrement riche en information. Les données obtenues sur la population d’une boutique se différencient de celles de salons comme VAPEXPO. Au total, 50 nouveaux profils sont venus compléter la base de données existante permettant ainsi de différencier de nouveaux types de vapoteurs : du débutant jusqu’au très expérimenté.

Figure 1 : présentation des éléments de composition de U-SAV Profile. 2017

Les données enregistrées :

Les tests réalisés avec U-SAV Profile sont basés sur l’enregistrement de différentes variables liées au comportement de l’usager et à son matériel :

  • durée du temps de puff,
  • débit d’inspiration,
  • volume total inhalé,
  • puissance réelle dispensée par la batterie,
  • valeur de la résistance.

Des informations d’ordre sociologique sont venues compléter les données physiques via un questionnaire sur les habitudes de consommation des utilisateurs (taux nicotine, matériel, consommation moyenne journalière…). L’analyse de ces différents paramètres a permis d’identifier des profils types de vapoteurs et de les segmenter en différentes catégories.

Des profils de vape bien distincts

1er type de profil : les néo-vapoteurs et la vape de bouche

Les données compilées lors de la session de test en boutique ont fait majoritairement ressortir des profils de néo-vapoteurs. Elles viennent donc compléter la base acquise en 2015 constituée de vapoteurs expérimentés, un public majoritairement présent dans les salons spécialisés. Il est intéressant de remarquer que les débutants ont une vape dite « de bouche », car ils gardent un moment la vapeur dans la cavité buccale, avant de l’inspirer dans les poumons. Cette façon de vaper, appelée « MLT » dans la filière pour « Mouth To Lung », implique des débits et des temps d’inspiration proches de ceux utilisés avec une cigarette de tabac. Ces valeurs sont plus faibles par rapport à des profils expérimentés qui ont une vape plus profonde en « inhalation directe », où la vapeur atteint les poumons sans marquer de rétention buccale.

2nd type de profil : la vape profonde ou inhalation directe

Après quelques mois d’utilisation, un vapoteur a généralement une meilleure compréhension des mécanismes de la EC et commence à développer un certain savoir-faire. Il s’habitue à la sensation d’irritation dans la gorge et le vapotage devient une forme de plaisir. On remarque que son comportement évolue en tandem avec le matériel et l’e-liquide qu’il consomme. S’il commence généralement par une vape de bouche, l’utilisateur opte après quelques temps vers une vape plus profonde, en inhalation directe dans les poumons. Cette façon de vaper, appelée aussi « DLI » (Direct Lung Inhalation) favorise la vaporisation d’une plus grande quantité d’e-liquide. Malgré un taux de nicotine constant, le vapoteur va alors absorber une dose de nicotine plus importante. C’est pourquoi afin d’éviter le risque de surdose, l’usager va généralement abaisser progressivement son taux de nicotine.

Figure 2 : mesure des volumes inhalés moyens en Litre. Tests réalisés sur 50 profils. Échantillons des testeurs : salons professionnels de la vape et boutique physique. 2017


Si l’on souhaite quantifier ce volume, on peut se baser sur l’observation d’un néo-vapoteur qui inhale en moyenne, à chaque puff, 0.1L d’un mélange vapeur + air. Un profil plus expérimenté en inhalation directe, aspire des volumes proches de 0.4L. On estime que le 0.1L inhalé par un néo-vapoteur correspond en moyenne à la capacité du volume de la bouche. Dans le cas d’une inhalation directe, les 0.4L correspondent au volume de la partie utilisée des poumons.

Figure 3 : profils de vape typiques des usagers de la cigarette électronique : non expérimentés (vert) et expérimentés (noir). Échantillons des testeurs : salons professionnels de la vape et boutiques spécialisées. 2017.

Les résultats de l’étude 2017

Si l’on compare l’étude de 2015 à celle de 2017, on remarque des constantes dans les comportements des vapoteurs mais aussi des évolutions notables.

Les constantes

L’étude des questionnaires associée à l’analyse des profils montrent des résultats similaires par rapport aux tests réalisés en 2015. Si l’on considère que les deux enquêtes ont touché la même catégorie d’individu, alors le vapoteur type est majoritairement un ancien fumeur voir un vapofumeur consommant encore 1 à 2 cigarettes de tabac par jour.

Les taux de nicotine des e-liquides ont diminué avec une moyenne située à 6mg/mL. De même, les dispositifs de vapotage ont évolué vers des outils offrant une puissance plus importante combinée avec des résistances plus faibles (apparition des résistances en sub-ohm et de batterie pouvant monter jusqu’à 150/200 Watts).

Les évolutions

La réalisation de l’étude de 2015 avait coïncidé avec l’apparition en France des premiers matériels de type « sub-ohm ». Même si les clearomiseurs de l’époque possédaient déjà de faibles résistances, l’utilisation d’air-flow serrés limitait le niveau d’aspiration. Cela obligeait les usagers à vaper sur de faibles débits (de 2 à 3L/min) avec un temps d’inhalation relativement long (>3.5s) (figure 3 et 4, histogrammes bleus).

Les tests réalisés deux ans après montrent que les profils de vape ont changé. En effet, le matériel est plus évolué et permet des débits et des temps d’inhalation plus importants. Les atomiseurs ont été améliorés grâce un disque de coton entier inséré dans la résistance, autorisant ainsi de multiples inhalations successives sans risque de dry-burn (brûlure de la mèche). Les air-flow offrent un passage d’air plus conséquent, adaptés à une vape profonde. Ces améliorations technologiques sont intrinsèquement liées à l’évolution du comportement du vapoteur. Conséquence de ce changement, on observe chez les vapoteurs un débit d’inhalation plus intense (>5L/min) pour des temps d’inspiration plus court (<3.5s) (figure 3 et 4, histogrammes oranges).

Figure 4 : Comparaison entre 2015 (bleu) et 2017 (orange) des temps d’inspiration des usagers de la cigarette électronique. Échantillons des testeurs : 2015 : salons professionnels de la vape ; 2017 : salons professionnels de la vape et boutique spécialisée.
Figure 5 : Comparaison entre 2015 (bleu) et 2017 (orange) des débits d’inspiration des usagers de la cigarette électronique. Échantillons des testeurs : 2015 : salons professionnels de la vape ; 2017 : salons professionnels de la vape et boutique spécialisée.

Une tendance mise en évidence par l’étude, la crainte du Hit des néo-vapoteurs

La réalisation de ces enquêtes a donné lieu à de nombreuses rencontres avec des vapoteurs débutants. Ces échanges ont permis de comprendre que la vape de bouche était majoritairement liée à la peur du Hit, qui est une irritation caractéristique provoquée par le passage de la nicotine dans la gorge. En effet, ce type de profil utilise en règle générale des e-liquides contenant de fort taux de nicotine. Associés aux propriétés naturellement irritantes du Propylène Glycol, le Hit ressenti est alors trop intense pour ces novices. Cette observation est à mettre en parallèle avec le fait que les néo-vapoteurs maintiennent encore les habitudes comportementales des fumeurs : ils vapotent aujourd’hui comme ils fumaient hier. Ainsi, ils inhalent une faible quantité d’e-liquide vaporisée qui va d’abord être stockée dans la cavité buccale puis être redirigée vers les poumons. Or, moins de vapeur se traduit par l’absorption d’une plus faible quantité de nicotine avec pour effet un hit moins intense.

Les limites de l’étude

Bien que U-SAV Profile ait été repensé pour être le plus en adéquation possible avec les habitudes actuelles de certains vapoteurs, quelques limites subsistent quant à son utilisation.

En effet, les instruments qui mesurent le débit d’inspiration rendent l’ensemble du dispositif assez lourd, ce qui pourrait influer sur le comportement de l’utilisateur au moment du test.

De même et comme pour la précédente étude de 2015, cette enquête correspond à une photographie des habitudes de consommation à un moment donné. Le matériel et les usages ont déjà beaucoup évolué en 2 ans, il est donc nécessaire d’alimenter régulièrement les données enregistrées afin de les mettre à jour.

Par ailleurs, les groupes de testeurs évalués représentent un échantillon relativement réduit au regard des 3 millions de vapoteurs français. Des collectes complémentaires devraient permettre de confirmer les premiers résultats obtenus.

Pour conclure 

La composition de la vapeur est intrinsèquement liée à ses conditions de génération qu’elles soient physiques (de la EC), chimiques (du e-liquide) mais aussi comportementales. Pour étudier la cigarette électronique dans son ensemble, les scientifiques ont besoin de données concrètes et réelles sur les us et coutumes des usagers de la EC, afin de donner des résultats d’analyse réalistes dans des conditions normales d’utilisation.

Compte tenu de la désinformation existante sur la vape et ses usages, U-SAV Profile apparaît comme indispensable pour l’observation de l’évolution des habitudes des vapoteurs. Dans un contexte élargi, il pourrait également devenir un outil d’accompagnement, utile par exemple dans des centres de traitement d’addiction. Pour faciliter leur transition vers la cigarette électronique, les novices pourraient alors se tester à différentes étapes de leur sevrage et adapter ainsi leur taux de nicotine à l’évolution de leur vape et de leur matériel. Plus largement, ces paramètres doivent être connus des professionnels de santé afin qu’ils puissent comprendre le caractère évolutif des comportements liés au vapotage.

Si la perte de charge constatée lors de l’inhalation via U-SAV Profile biaise quelque peu l’expérience, c’est le faible nombre de personnes testées qui tendrait à limiter la portée de cette étude. Il en va de même concernant la nature des informations recueillies lesquelles ont été majoritairement collectées à l’occasion de salons professionnels du secteur où la population est essentiellement composée de vapoteurs confirmés. C’est pourquoi des recherches approfondies impliquant un panel de testeurs plus diversifié permettraient de compléter la base de données existante. Aussi, notre équipe de recherche peut mettre U-SAV Profile à disposition des boutiques et des professionnels de santé qui souhaiteraient soutenir cette étude.

U-SAV Profile est un outil capable de suivre l’évolution du monde de la vape, tant par le comportement des vapoteurs que par la progression du matériel. Quel sera le profil de vape typique des prochains années ? Les tendances à l’augmentation du débit assorti à la réduction du temps d’inhalation vont-elles se confirmer ? Pour apporter des réponses précises à ces questions, une étude plus poussée semble aujourd’hui nécessaire afin d’observer fidèlement l’évolution de la composition de la vapeur et la lier à l’évolution des usagers de la EC.

Pour tout renseignement, n’hésitez pas à contacter l’équipe R&D d’OpenSciences à contact@ingesciences.fr

Tous ensemble, aidons à construire la vape de demain.

Références :

  • Jensen, R.P.; Luo, W.; Pankow, R.M.; Strongin, R.M.; Peyton, D.H. Hidden Formaldehyde in E-Cigarette Aerosols. The New Eng. J. of Med. 2015, 372, 392-394, DOI: 10.1056/NEJMc1413069.
  • Farsalinos, K.E.; Voudris, V.; Poulas, K. E-cigarettes generate high levels of aldehydes only in “dry puff” conditions. Addiction. 2015, 110(8), 1352-1356. doi:10.1111/add.12942.
  • Soulet, S. ; Pairaud, C. ; Lalo, H. A novel vaping machine dedicated to fully controlling the generation of E-Cigarette Emissions. J. of Environmental research and Public Health. 2017, 14, 1225.  doi:10.3390/ijerph14101225
  • Soulet, S. ; Duquesne, M. ; Toutain, J. ; Pairaud, C. ; Lalo, H. Influence of resistance power ranges on the e-liquid consumption in vaping devices (under submission)