Pour son numéro #19 (mars/avril/mai 2018), E-Cig magazine nous a contacté pour en savoir plus sur le CBD.
NB : Depuis cette interview, le pôle R&D du Laboratoire Français du E-liquide (LFEL) a été intégré à ingesciences.
Si les informations concernant le CBD sont de plus en plus nombreuses sur Internet. Il est souvent difficile de séparer le bon grain de l’ivraie. Par souci de précision, il nous fallait donc impérativement l’avis d’un expert en la matière pour répondre à nos questions. Cet éclairage, nous l’avons trouvé en la personne de Jérémy Sorin, ingénieur de recherche et chargé d’analyse au LFEL qui mène des travaux sur le CBD depuis maintenant près d’un an. Au cours des derniers mois, son objectif aura été à la fois d’évaluer la molécule, mais aussi d’étudier sa compatibilité avec les produits de vapotage.
E-cig magazine : Le CBD qu’est-ce que c’est ?
Jérémy Sorin : Avant d’entrer dans le vif du sujet, il convient avant tout de faire clairement la distinction entre CBD et THC. En effet, si ces deux cannabinoïdes proviennent tous deux de la plante de cannabis et disposent d’une structure moléculaire assez proche, leurs effets sur l’organisme sont différents — et parfois même opposés — tout comme la finalité de leur usage. Marquer cette distinction en préambule est fondamentale, car l’amalgame avec le cannabis est encore fait régulièrement, le plus souvent par manque d’information et du tabou qui entoure cette plante. Le CBD est donc un cannabinoïde végétal (on parle de phytocannabinoïdes) contenus dans la plante de cannabis, parmi des dizaines d’autres. Avec le THC, c’est l’un des plus étudié par la communauté scientifique, mais contrairement à ce dernier, son usage n’est pas interdit.
E-cig magazine : Le CBD à quoi ça sert ?
J.S. : Il s’agit de la deuxième problématique relative au CBD : la définition de ses effets. Il faut une fois de plus faire la distinction avec le THC, qui est le cannabinoïde contribuant le plus aux effets du cannabis sur l’organisme. Il est essentiel de rappeler que le CBD n’a, de son côté, aucun effet psychotrope ou euphorisant (une façon politiquement correcte de parler de ce qu’on appelle vulgairement la « défonce »). Le CBD a en revanche de nombreux effets thérapeutiques connus et longuement étudiés, qui ne peuvent pas être mis en avant dans les produits de la vape, car ils rentrent dans le giron de l’industrie pharmaceutique. Certaines de ces propriétés peuvent néanmoins être appliquées dans un usage alternatif : l’action reconnue du CBD sur le stress pourrait par exemple avoir un intérêt dans la lutte contre les comportements addictifs. Des publications scientifiques détaillées ont en effet montré son influence sur le mécanisme d’addiction au niveau moléculaire. En laboratoire, des essais révèleraient un effet positif sur l’addiction à la nicotine, à l’alcool, au cannabis et même aux opioïdes.
E-cig magazine : Pourquoi vaper du CBD ?
J.S. : Vaper du CBD présente plusieurs avantages qui varient en fonction du profil de l’utilisateur. Il est par exemple irresponsable de recommander à une personne souffrant de problèmes lourds de dépression ou par exemple d’insomnie nécessitant un traitement médical de s’auto médicamenter avec du CBD. En revanche, un individu présentant de petits problèmes passagers de stress ou de légères difficultés à trouver le sommeil pourrait régler une partie de ces désagréments en vapant du CBD. Le cannabidiol serait aussi un outil efficace pour les fumeurs de cannabis dans une démarche d’arrêt ou pour ceux qui souhaiteraient bénéficier des effets relaxants du CBD sans pour autant subir les effets euphorisants inhérents au THC.
J.S. : Pour la fabrication des produits destinés à l’inhalation, nous conseillons fortement l’usage de cristaux de CBD purs à 98% minimum. Bien qu’elle soit difficilement soluble dans les bases (notamment celles disposant d’une proportion élevée de glycérine végétale), cette forme est pour nous la seule compatible avec l’inhalation. Sur un support huileux, le CBD peut présenter un risque pour la santé lors de sa consommation via un vaporisateur personnel. La problématique de la solubilité dans les bases impose d’ailleurs une limite des taux de CBD dans les e-liquides. Certains dosages très élevés sont donc sujets à caution. Une bonne façon de juger la qualité d’un e-liquide contenant du CBD est d’observer son homogénéité. Un e-liquide présentant un aspect biphasique est synonyme de mauvaise dissolution du produit et donc d’incompatibilité avec la vaporisation.
E-cig magazine : Faut-il un matériel spécifique pour le CBD ?
J.S. : Des tests préliminaires effectués au LFEL tendraient à montrer qu’il n’y aurait pas de recommandations particulières de matériel pour vaporiser du CBD. D’après nos travaux, la vaporisation du CBD via un vaporisateur personnel serait plutôt homogène y compris dans des configurations extrêmes proches du « dry hit ». S’il fallait conseiller un dispositif, il s’agirait d’utiliser un équipement permettant de moduler sa consommation facilement, personnellement je vape du CBD à 15 W sur une résistance de 1 ohm environ. Utiliser un clearomiseur dédié est aussi une bonne idée, car cela permet de différencier sa consommation de nicotine de celle de CBD.
E-cig magazine : Quel avenir pour le CBD ?
J.S. : Il sera nécessaire de faire un travail pédagogique pour différencier le CBD du THC et du cannabis mais aussi définir ses différents usages : thérapeutique et alternatif. Le produit présente aujourd’hui des avantages réels et son utilisation dans la vape a tout son sens à condition évidemment d’utiliser des produits de qualité et d’en comprendre les véritables usages. Après le premier rush vers ces nouveaux produits parfois portés par des promesses trompeuses, le profil des utilisateurs et la qualité des produits devrait s’affiner et une vape au CBD raisonnée devrait pouvoir voir le jour.
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