Une thèse sur la cigarette électronique cofinancée par la Région Nouvelle-Aquitaine
Actuellement, les recherches liées au vapotage se focalisent essentiellement sur les modes de consommations des cigarettes électroniques et sur l’analyse de leurs conséquences sur la santé. La méthode la plus utilisée consiste à identifier les dangers et à analyser les risques associés. Selon les expériences réalisées, il est très fréquent de retrouver pour différentes puissances testées des données sur la quantité de produits de dégradations formés dans un aérosol, la taille des particules, la mortalité des cellules … Les conclusions sont alors partielles puisqu’elles correspondent à un montage, à un e-liquide et à un régime de vapotage appliqué. En conséquence, elles aboutissent donc à une évaluation du risque différente à basses puissances et à hautes puissances. Ces analyses à postériori du vapotage sont ainsi incomplètes et surtout subjectivement alarmistes selon les conditions opératoires.
C’est pourquoi ingésciences a souhaité cofinancer avec la région Nouvelle-Aquitaine une thèse doctorale en 3 ans consacrée à cette problématique. Réalisée en partenariat avec l’école I2M de Bordeaux, cette thèse menée par Sébastien Soulet, membre de l’équipe d’ingésciences, avait pour objectif principal d’apporter des éléments de compréhension sur le fonctionnement d’une cigarette électronique afin de donner des conclusions plus objectives sur le vapotage.
L’étape préliminaire de la caractérisation des cigarettes électroniques
La démarche a d’abord été de comprendre le design des cigarettes électroniques et d’identifier des groupes de matériel (disponibles sur le marché) parmi 26 dispositifs sélectionnés en se basant sur des caractéristiques techniques. Pour des recherches axées sur la thermique, la surface de l’objet chauffant est centrale et a naturellement été un élément essentiel pour déterminer deux groupes de matériels. La résistance à l’air traduit l’effort que l’utilisateur fournit pour inhaler à travers un dispositif. C’est aussi un élément clé qui résume ce qui est communément appelé un tirage séré ou aérien. Les résultats ont montré que lorsqu’une cigarette électronique est recommandée par le fournisseur pour une puissance inférieure à 30 W, elle a un fil résistif dont la surface est inférieure à 75 mm² et une résistance à l’air supérieure à 9 Pa0,5.min.L-1, ce qui correspond à une inhalation indirecte. L’autre groupe de matériel, complémentaire, est lui associé à une inhalation directe.
Etude des influences des paramètres physiques
Ensuite, 5 matériels ont été sélectionnés et testés sur le robot vapoteur U-SAV. L’un d’entre eux, le Cubis a été utilisé comme dispositif de référence. Un grand nombre de configurations expérimentales a été testé. Dans tous les cas, le comportement d’une cigarette électronique pouvait se décrire en trois régimes de fonctionnement :
- Le premier dit de sous-chauffe présente une masse de liquide vaporisée (appelée MEV) nulle.
- Le deuxième démarre à partir d’une puissance minimale et se caractérise par une MEV évoluant linéairement avec la puissance qui est appliquée. La linéarité traduit une efficacité énergétique moyenne.
- Le troisième démarre à partir d’une puissance maximale et est identifiable par une rupture de la linéarité et conduit à un régime de surchauffe.
La mise en lien avec l’ébullition
Après avoir identifié ces limites de fonctionnement, le travail a consisté à coupler ces observations avec un phénomène physique présent dans une cigarette électronique : l’ébullition. Une caractérisation phénoménologique a été réalisée par Nukiyama au début du XXème siècle [1] . Il a montré que lorsqu’un fil résistif est plongé dans un récipient d’eau, plusieurs régimes d’ébullition sont observés selon la puissance délivrée (ou le flux thermique dissipé lorsque la puissance est rapportée à la surface). A basse puissance, Nukiyama observe uniquement des mouvements de convection du liquide. Puis, en dépassant un flux appelé flux de déclenchement, des petites bulles localisées apparaissent sur le fil. En augmentant la puissance, les bulles sont plus grosses et se détachent plus rapidement. Elles vont avoir tendance à former des colonnes de bulles puis se regrouper pour coalescer. A partir d’un flux limite appelé flux critique, une couche de gaz apparait autour du fil résistif. Les bulles ne se forment plus sur celui-ci mais à l’interface entre le gaz et le liquide. Selon la puissance délivrée, il y a donc deux régimes d’ébullition : un nucléé et un en film identifiable par des puissances (ou flux) limites. En utilisant des corrélations développées pour le calcul de ces limites, ces puissances d’ébullition correspondent aux puissances minimales et maximales observées dans une cigarette électronique. Les limites de fonctionnement d’une cigarette électronique sont donc des limites induites par l’ébullition.
[1] Nukiyama, S. (1934) The maximum and minimum values of the heat Q transmitted from metal to boiling water under atmospheric pressure, Int. J. Heat and Mass Transfer.
Conséquence de l’ébullition dans une cigarette électronique
L’ébullition est également un phénomène qui influence la température à laquelle sont chauffés le liquide et le gaz. Il était pertinent de voir si les processus de dégradation n’étaient pas liés également aux régimes de fonctionnement d’une cigarette électronique. Le but étant dans un premier temps de calculer un taux de conversion molaire comme le rapport entre la quantité d’aldéhydes mesurée et celle de VG vaporisée. Ainsi, les résultats obtenus par Ingésciences et dans la littérature montrent que les taux de dégradation sont relativement constants dans une ébullition nucléée alors qu’ils croient en ébullition en film. En poursuivant l’analyse, des molécules issues de la pyrolyse du coton (ex : monoxyde de carbone, aldéhydes) apparaissent en quantités significativement plus importantes en ébullition en film. Enfin, l’oxydation du fil résistif apparait. Mis bout à bout ces éléments montrent que dans un régime de fonctionnement optimal, une cigarette électronique présente un risque significativement réduit et proportionnel à la masse de liquide vaporisée. Dans un régime de surchauffe, ces éléments suggèrent également que le ressenti des flaveurs est altéré. Ceci sous-entendant que la plage de puissance du régime de surchauffe est une zone d’utilisation naturellement évitée par le consommateur.
La modélisation numérique d’une cigarette électronique
Le dernier objectif a été de concevoir un outil numérique capable de modéliser le fonctionnement d’une cigarette électronique. L’approche s’est basée sur un processus en trois étapes.
- Au centre, la module de distillation modélise la vaporisation.
- La vapeur générée subit un mélange adiabatique (sans échange de chaleur) avec le flux d’air induit par l’inhalation d’un consommateur. Ces deux gaz s’équilibrent alors instantanément pour former un aérosol constitué d’une phase gazeuse et d’une phase liquide : les gouttelettes.
- Cette aérosol est transporté dans la cheminée d’une cigarette électronique et subit des échanges avec les parois.
Les simulations présentent un bon accord avec les résultats obtenus dans la démarche expérimentale. Un exemple de simulation a été mis en place afin de montrer que l’aérosol a deux voies de refroidissement : avec l’air inhalé ou au contact des parois. L’utilisation d’un régime de vapotage inadapté conduit donc à la génération d’un aérosol plus chaud et à un risque significatif pour le consommateur.
Une avancée majeure pour la recherche scientifique
Cette thèse a apporté des éléments de compréhension essentiels sur le fonctionnement d’une cigarette électronique. Sa publication ouvre la voie à un large panel de perspectives allant de l’approfondissement des mécanismes d’ébullition dans une e-cig à l’analyse de la perception du consommateur en passant par l’identification des taux de conversion des produits de dégradations.
Soutenue le 22 janvier dernier auprès d’un jury d’experts dans le domaine, cette thèse sur l’apport de la thermodynamique pour la compréhension du fonctionnement d’une cigarette électronique a permis à Sébastien Soulet d’obtenir le grade de Docteur de l’Université de Bordeaux.
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